Blaise Compaoré est de retour au Burkina. Il a atterri le jeudi 7 juillet 2022 à l’aéroport international de Ouagadougou à bord d’un avion affrété par ses hôtes, après huit années d’exil en Côte d’Ivoire à la suite d’une insurrection populaire qui l’a chassé du pouvoir en 2014. Ce retour suscite à la fois admiration chez ses partisans et inquiétudes chez certains défenseurs des droits de l’homme.
Ce retour s’inscrit, selon les autorités de la transition, dans un processus de réconciliation qui réunit autour de la même table le président Paul Henri Sandaogo Damiba et les anciens chefs d’Etat burkinabè comme Jean Baptiste Ouédraogo, Blaise Compaoré, Yacouba Isaac Zida, Michel Kafando et Roch Marc Christian Kaboré. Mais ce retour du natif de Ziniaré ne semble pas faire l’unanimité au sein de l’opinion burkinabè. Cette démarche des autorités de la transition ne rencontre pas l’assentiment d’une partie de la population. Car, elle risque d’exacerber les tensions, mettant en évidence les divergences sur le processus devant conduire à la réconciliation nationale.
S’il y a une chose où tous s’accordent, c’est la nécessité d’aller à cette réconciliation.
Mais comment y aller ? Qui a fait quoi ? Avec qui on se réconcilie ? C’est là que le bât blesse. En attendant, les partisans de Blaise Compaoré affichent leur entière adhésion à cette démarche ayant abouti au retour de leur champion au pays. En revanche, les adversaires de Compaoré ne s’empêchent de ruminer leur colère, appelant à son arrestation dès sa descente d’avion conformément à la décision de justice le condamnant à la prison à perpétuité dans le dossier Thomas Sankara et compagnons. En un mot, les divisions sont prégnantes et profondes. De nombreux acteurs de la société civile et de la classe politique s’accordent à dire que les militaires ont usé de subterfuge pour restaurer l’ordre ancien, c’est-à-dire le retour du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), considéré comme la branche armée de l’ancien parti au pouvoir. Pour eux donc, la place de Blaise Compaoré est en prison. Cette frange de la population juge indigne et indécente, une réconciliation qui escamote les étapes selon le tryptique Vérité-Justice-Réconciliation. Mais au-delà des passions et des émotions suscitées par ce retour de l’enfant prodige, force est de reconnaître que l’urgence du moment est de trouver le plus rapidement possible un compromis. Et pour y arriver, il va falloir que les acteurs se parlent, qu’ils trouvent un terrain d’entente.
Le Burkina appartient à tous et nul n’a le monopole de la vérité. Autant chacun peut dire ce qu’il pense, autant il doit respecter l’opinion de l’autre. Dans le contexte actuel où les fondements de la nation sont menacés, il faut un front commun contre le terrorisme. Fédérer toutes les énergies pour sauver le bateau Burkina qui tangue, c’est le seul combat qui vaille la peine. A tous ces acteurs qui s’agitent, il ne faut pas créer une crise dans la crise. Ce serait se tirer une balle dans le pied. Pendant que l’on est en train de se tirailler à Ouagadougou, les terroristes, eux, avancent. Ils ne cessent de gagner du terrain de jour en jour. Aucune victoire contre ces ennemis de la nation ne peut être acquise dans la haine et la division. C’est sûr. D’ailleurs, les balles des terroristes ne font pas de différence entre un pro ou un anti Blaise. Et ce n’est pas tout. C’est parce que nous avons un pays que nous sommes en train de parler de réconciliation et de justice. Allez-y demander aux déplacés internes ou aux populations qui vivent dans des zones sous blocus terroristes, ils vous diront qu’ils ne cherchent que leur « nez ». Le jour où ces fous d’Allah viendront nous imposer la barbe et le pantalon court, on comprendra que rien ne vaut la liberté et la paix.
Combien de localités n’ont plus de palais de justice au Burkina ? Combien de localités sont rayées de la carte du Burkina ? Il est donc dans l’intérêt de tous d’adopter une posture qui rassemble et apaise. Si le retour de Blaise peut nous ramener la paix et la quiétude d’antan, tant mieux. Les autres questions, on en débattra une fois l’intégrité du territoire retrouvée.
Aux autorités de la transition, on ne force pas une réconciliation. La réconciliation au forceps, ça ne passe pas et ça ne produira aucun effet. Il vaut mieux se parler et négocier avec toutes les parties prenantes, les convaincre à se rallier à votre cause. Car, ne dit-on pas que là où les armes échouent, la négociation arrive toujours.
Pierre Sawadogo Wendinmi