vendredi 22 novembre 2024
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Réfugiés à Ouaga: « Je me prostitue pour offrir à manger à mes enfants… » (Réfugiée)

Cela fera bientôt huit mois que des réfugiés au Burkina Faso, de plusieurs nationalités, ont élu domicile devant le Haut-commissariat pour les réfugiés (HCR) à Ouagadougou pour une « grève illimitée pacifique », dénonçant la « gabegie, la malversation financière » dans leur prise en charge par le HCR. Huit mois après, les tentes sont toujours dressées devant cette agence qui a officiellement pour mission de protéger et de soutenir les personnes réfugiées à travers le monde entier. Pour cause, des réfugiés y attendent toujours de meilleurs traitements.

Jeudi 6 février 2020. Il est 10h30, quand une équipe de minute.bf effectuait une visite sur ce site de circonstance situé devant le HCR à Ouagadougou. Des dalles et des bâches ont été utilisés pour se fabriquer un abri. C’étaient juste des abris de quelques jours, mais le séjour de ces réfugiés, contre leurs attentes, a été prolongé. Pourtant, ces réfugiés victimes d’ « insécurité, de stigmatisation, des arrestations arbitraires, des agressions, des tentatives d’empoisonnement », disent avoir quelque peu été désavoués par ceux-là même qui devraient les prendre en charge.

« Les partenaires, le gouvernement à travers la CONAREF, qui devraient être les premiers à nous aider à résoudre ces problèmes, ne nous regardent pas et ne nous écoutent même pas », déplore Cyprien Baza, réfugié rwandais résident à Bobo Dioulasso, que nous avons rencontré sur le site des réfugiés à Ouagadougou. Ce dernier confie également que tous, sur ce site, ont un problème de logement, de santé, d’éducation et/ou de manque d’emplois.  « Pourtant, tout cela, c’est le fondement même de l’homme », martèle M. Baza. « Nous avons tout perdu, nos parents, nos familles et il ne reste que nous seuls. Donc, quand nous arrivons dans un endroit, nous avons besoin des gens qui nous soutiennent, qui soulagent un peu notre souffrance », poursuit-il.

Des réfugiés urbains plaident pour l’amélioration de leur condition de vie…à Ouagadougou

A l’entendre, les réfugiés ont plusieurs fois attiré l’attention des responsables du HCR sur leurs conditions de vie qui se dégradent de jour en jour. « Chaque jour on nous dit qu’on a pris bonne note. Mais après, rien est fait. Pendant ce temps, les réfugiés continuent de souffrir. En Afrique on dit : ‘Lorsque quelqu’un n’a pas de remède à sa maladie, il doit aller dans la rue pour que tout le monde voit cette maladie. C’est ainsi qu’il pourra y trouver le remède à son mal’. C’est la raison pour laquelle nous sommes sortis dans la rue pour venir nous installer ici », a expliqué ce réfugié, le visage pâle et triste, la cinquantaine révolue.

Zénab (nom d’emprunt), est une femme vivant avec ses trois enfants sous une tente devant le HCR. Elle y est parce qu’elle a été mise à la porte par son bailleur. Selon les faits, elle avait cumulé plusieurs mois de loyers impayés. A l’entendre, toute la situation qu’elle traversait à l’époque a été décrite au HCR qui a même essayé vainement de négocier avec le bailleur. Aujourd’hui, elle se retrouve dans la rue avec ses trois enfants.

« Je suis à ma dixième année à Ouagadougou. J’ai trois enfants et je n’ai pas d’emploi. Personne ne nous prend en charge, que ce soit sur le plan de la santé, de logement ou de l’alimentation. Comment vivre avec toutes ces difficultés à Ouagadougou ? Je suis obligée de me prostituer chaque jour pour subvenir aux besoins de mes enfants », nous a-t-elle confiés, la voix tremblotante… Plus loin, elle nous explique que lorsqu’elle sortait la nuit et qu’elle gagnait un peu d’argent, elle faisait des économies pour pouvoir offrir à manger à ses enfants et payer son loyer. « Est-ce normale pour une femme de vivre cette vie pendant dix ans? Regardez, j’ai même des cheveux blanchis par mon âge. Je demande au ministre des affaires étrangères, Alpha Barry, lui, en tant que père de famille, est-ce qu’il est soutenable pour une femme de vivre cette vie de débauche pour nourrir ses enfants ? Là où je suis, c’est la mort ou la réinstallation. Je ne retourne jamais au quartier (Kouritenga) », assène cette mère de trois enfants « dépassée » et « psychologiquement traumatisée » par la situation qu’elle vie.

« Est-ce qu’il est facile de se vendre chaque jour, de vivre et mourir avec cela ? », enchaine Zenab, notant qu’elle n’avait aucun autre choix que de venir s’installer devant le HCR. « Je demande au ministre Barry, s’il a pitié des orphelins et orphelines, des veuves et veufs, des étrangers qui n’ont pas de famille ici, qu’il essaie de se pencher sur notre situation. Nous voulons qu’il vienne constater nos conditions de vie ici. Des femmes qui sont obligées de se soulager ou de se doucher à la belle étoile. Est-ce normal ?», a plaidé Zenab.

« Les réfugiés souffrent… »

M. Baza est revenu sur la situation difficile que traversent les réfugiés. « Quand on fait le recensement, on constate que beaucoup de réfugiés meurent chaque jour. Certains meurent par manque de soins mais on fait un rapport pour dire que c’était une mort naturelle », révèle-t-il. « Nous voulons qu’on nous aide à trouver une solution à notre problème. Nous avons demandé la réinstallation qui est différente d’une demande de quitter le Burkina Faso… Il y a des conventions que le gouvernement burkinabè a signé et c’est à partir de ces conventions que nous pouvons demander la réinstallation », poursuit-il, saluant l’hospitalité que leur offre les populations burkinabè car « la situation n’est pas facile, les réfugiés souffrent ».

La présence de Filippo Grandi, haut-commissaire des Nations-Unies, au Burkina Faso en début du mois de février a encore révolté les réfugiés qui dénoncent un manque de considération de sa part. A les en croire, on lui aurait signifié que ceux qui ont élu domicile devant le HCR étaient des réfugiés maliens dont les dossiers de demande de réinstallation ont été rejetés. Mais la réalité est tout autre, selon M. Baza.

« Nous sommes de huit nationalités vivant devant le HCR (Pakistanais, Rwandais, Ivoiriens, Centrafricains, Congo Brazza et RDC, Burundais, Tchadiens et le Togo). Nous ne sommes pas des Maliens comme le disent certains. Si M. Grandi était venu pour les réfugiés, il allait demander à nous voir et à savoir pourquoi nous sommes là. Mais il ne l’a pas fait. Cela fait honte. Au moment où il y a une association de réfugiés résidents au Burkina Faso, connue par le gouvernement burkinabè, le représentant de cette association n’a pas été invité dans les différentes rencontres. Qu’est-ce qu’on veut cacher? Nous donnons raison à M. Grandi car il a des techniciens qui devront lui faire le compte rendu de toutes les situations qu’ils ont dans les pays où il y a des réfugiés.  Mais s’il était un homme sage, le fait qu’il ait vu des tentes devant le HCR, il allait sortir demander ce qu’il se passait. Il ne l’a pas fait… », s’est offusqué Cyprien Baza, porte-parole du jour des réfugiés.

Les réfugiés ont plaidé pour l’amélioration de leur condition de vie. En rappel, en juin 2019, au cours de leur manifestation, ils invitaient le Ministre burkinabè des Affaires étrangères à agir. « Il faut trouver des solutions », lançaient-ils ce jour là…

Armand Kinda

Minute.bf

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