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Abattoir Pouytenga : Propriétaires terriens et mairie divisés sur le choix du site

Le foncier pourrait être germes de conflits, pensent certains avisés de la question. A Nimpougo, dans la commune de Pouytenga, nous ne sommes pas encore à là mais le foncier fait des gorges chaudes et divise le maire et certains propriétaires terriens. Il s’agit précisément du site sur lequel devra pousser l’abattoir moderne et sous-régional de Pouytenga. Irissa Kaboré, propriétaire terrien et porte-parole des plaignants campe sur sa position et « jure » qu’il ne cèdera pas son terrain. Il dénonce d’ailleurs un passage en « force » du maire. Le lundi 16 août 2021, une équipe de www.minute.bf a rencontré les différents acteurs du dossiers pour mieux comprendre.

« Je jure, je persiste et je signe, je ne vais jamais accepter qu’on m’exproprie mon terrain. Je demande au gouvernement burkinabè de reculer, de libérer immédiatement mon terrain, la terre que mes ancêtres m’ont léguée » : telle est la position de Irissa Kaboré et partant, des autres propriétaires terriens et plaignants dont il est le porte-parole. Le terrain en question devrait abriter l’abattoir moderne de Pouytenga, un projet sous-régional piloté par le gouvernement burkinabè. Mais quel est le problème ?

Tout est parti d’un premier projet de construction d’un abattoir moderne à Pouytenga sur financement du Danemark. Deux sites avaient été identifiés : Zoré et Yargho. Ce dossier du moment de la délégation spéciale (sous la transition, ndlr) va être hérité par l’actuel maire, Larba Prosper Yameogo. Mais, « il a pris connaissance du dossier et a estimé que les sites retenus n’abriteront pas l’infrastructure », confie Seydou Kaboré, le président du Mouvement Burkinabè des Droits de l’Homme et des Peuples (MBDHP) à Pouytenga. Faute de consensus pour trouver un autre site, ce projet va mourir en 2020.

Sur financement du gouvernement, Pouytenga bénéficie à nouveau d’un projet de construction d’un abattoir. Mais, à en croire Irissa Kaboré et le MBDHP, alors que les études avaient retenu Zoré comme « site idéal », le maire va plutôt décider de l’implanter à Nimpougo. Le seul problème sur ce nouveau site est que des propriétaires terriens crient à l’accaparement de leurs terres sans leur consentement.

« J’ai un terrain sur lequel j’ai fait un reboisement qui a coûté 13 millions de F CFA. Avec le projet de l’abattoir moderne, le maire et les bouchers ne se sont pas accordés sur le lieu. Le maire a désigné Nimpougo pour recevoir l’infrastructure tandis que les bouchers le veulent à Zoré. Pour ce faire, il est venu voir certains vieux avec des colas pour leur demander l’espace. Les vieux ont donné leur accord et quand j’ai su, je suis allé voir les vieux à qui j’ai exprimé mon opposition. On ne peut pas prendre notre terrain sans notre consentement. Les vieux m’ont dit de laisser tomber. J’ai fait un papier que j’ai remis au maire pour lui signifier que le terrain que les vieux lui ont cédé ne leur appartenait pas. Sur les 8 hectares donné au maire, les 7 nous appartiennent. Notre famille travaille sur ces terres depuis des lustres, nous ne pouvons pas les céder gratuitement », retrace Irissa Kaboré. A l’entendre, ceux qui ont cédé le terrain au maire n’en avaient pas le droit car cela ne leur appartient pas. Pour preuve, il dit avoir monté des dossiers qu’il a faits parvenir au maire, au préfet, au haut-commissaire, à l’ancien ministre des ressources animales (Sommanogo Koutou, ndlr) et même au premier ministre (Christophe Marie Joseph Dabiré) pour leur signifier de ce qu’il a hérité, avec sa famille, du terrain de ces ancêtres.

Le plaignant Irissa kaboré dit avoir également envoyé des copies au MBDHP et à l’Autorité supérieure de Contrôle d’Etat et de Lutte contre la Corruption (ASCE-LC). Des enquêtes menées par l’ASCE-LC, il ressort, selon le porte-parole des plaignants, que « certaines personnes désignées comme propriétaires terriens n’ont aucun lopin de terrain sur le site ». « Il y a par exemple Mathieu Kaboré, un frère direct, qui a confié à l’ASCE-LC devant moi que c’est le maire qui lui a demandé de signer. Pourtant il n’est pas propriétaire terrien », argue-t-il.

Au regard de tout cela et faute de consensus, Irissa kaboré et ses camarades (15 plaignants) ont monté un dossier pour attaquer le maire en justice. « Nous avons amené le dossier en justice à Koupela avant de le transférer à Ouagadougou. Il est en cassation », précise-t-il. Mais, la construction de l’abattoir se poursuit sur le site controversé parce que, la Cour de cassation, selon les explications de M. Kaboré, dit « ne pas pouvoir stopper » le chantier.

Bien avant que le dossier n’atteigne cette étape, les plaignants disent avoir manifesté leur volonté de trouver un accord avec le maire. Les négociations ont été vaines à en croire Irissa Kaboré qui estime que le maire « est au dessus de la loi ». « De ce que nous avons entendu, il (le maire) dit n’avoir pas à négocier avec quelqu’un pour prendre son terrain », déplore-t-il.

Mais, cette manière de faire pour ce propriétaire terrien, est un passage en « force » que « le maire Larba Prospère Yaméogo et ses alliés du gouvernement » leur imposent. D’ailleurs, prévient-il : « si on nous le retire, cela signifie que la loi n’est pas faite pour les pauvres, elle appartient aux autres ». Pour lui, ce sont ces pratiques qui poussent certains propriétaires terriens à vendre leur terre un peu partout. « Si on nous retire nos terres, mon voisin qui observe cela sera tenté de vendre pour lui avant qu’on ne les lui retire », pense Irissa Kaboré, confiant également faire l’objet de « menace de mort » à cause de cette question. Une plainte a, en effet, été déposée au commissariat et à la gendarmerie par ce dernier.

Aussi, faut-il rappeler que des bouchers s’opposent à l’installation de l’abattoir à Nimpougo. Pour les bouchers, Zoré qui abrite le marché à bétails est le site idéal pour l’abattoir. « Si tu dois acheter un bœuf là-bas, repartir à Nimpougo (15 kilomètres) pour l’abattage avant de revenir, le transport va générer des coûts », dénoncent-ils. Pour cela, ont-ils clairement signifié qu’ils ne se rendront « ni demain, ni jamais sur ce site ». Ils invitent d’ailleurs le président du Faso à s’y impliquer personnellement pour l’implantation de l’abattoir à Zoré.

Que dit le Bourgmestre ?

« C’est un problème de communication », a réagi le maire de Pouytenga, Larba Prosper Yameogo. Il a indiqué que tous les acteurs (éleveurs, exportateurs de bétails et bouchers) ont été impliqués pour le choix du site. Des trois sites retenus que sont Nimpougo, Yorgho et puis Zoré, « le bureau d’étude a décliné 9 points pour l’installation d’un abattoir. C’est ce même bureau d’étude qui a investigué pour définir les avantages et les inconvénients de chaque site. On s’est basé sur cela et on a retenu Nimpougo », argument-il de son côté, prenant pour preuve un des points qui stipule « qu’un abattoir doit être à 4 ou 5 kilomètres du centre-ville ». « C’est une donnée technique, vous ne pouvez pas faire le contraire », dira le maire avant de s’interroger : « comment des gens (les bouchers) qui ne savent pas ce que c’est qu’un abattoir peuvent choisir un site pour son installation ? ». A cet effet, il précise que l’abattoir en question « n’est pas une aire d’abattage » mais plutôt « une unité, une usine ».


Pour M. Yameogo, il s’est retrouvé dans une situation où « le gouvernement était devenu incapable même de s’assumer ». « On a demandé, à un moment donné, au gouvernement de décider mais il ne l’a pas fait », a-t-il déploré.

Quid des plaintes des propriétaires terriens ?

« Que ce soit Zoré, Yorgho ou Nimpougo, je ne connais pas de propriétaires terriens », a d’emblée précisé le maire avant d’expliquer que Nimpougo a été retenu par « décision du Conseil municipal ». « Il y a eu un vote, 26 pour Nimpougo contre18 pour Zoré », étaye-t-il, indiquant que pour l’exécution de ladite décision, il est passé par le Conseiller villageois de Développement (CVD) et président du village pour informer la population que le Conseil viendra s’entretenir avec elle. « Ce jour-là (jour de l’entretien), il y a eu tellement de monde que j’étais surpris. On leur a exposé la décision du Conseil leur demandant un terrain pour la réalisation de l’abattoir. Ensuite, nous leur avions demandé, si vous êtes d’accord, qu’est-ce que vous demandez en compensation ? La seule chose qu’ils nous ont demandée, c’est de leur réaliser un forage. Nous avons insisté. La compensation ne vient pas du budget de la mairie. S’ils disaient qu’ils voulaient tant, on allait se contenter de le transmettre à qui de droit. Mais ils ont dit qu’ils ne voulaient rien. Ce sont les propriétaires terriens qui étaient devant pour nous montrer le terrain. Nous avons demandé 5 hectares et ils nous ont offert 8 », a relaté le maire, qui dit ne pas comprendre les plaintes des propriétaires terriens. Il dit d’ailleurs se réjouir de ce que le dossier soit en justice.

De son côté, approché par les propriétaires terriens et les bouchers, le MBDHP charge le maire. « Les bouchers n’étaient pas d’accord sur le choix du site. Ils nous ont interpellés, nous avons tenté une médiation avec le maire afin que l’abattoir puisse être réalisé pour l’intérêt de tous, notamment des acteurs principaux », a confié Seydou Kaboré du mouvement des droits de l’homme. A l’en croire, « le maire a dit qu’en tant qu’intellectuel, il ne pouvait pas permettre à des bouchers illettrés de choisir un site ».

Sur les plaintes des propriétaires terriens, M. Seydou pense que « des gens ont été lésés ». C’est d’ailleurs pour cela que sur conseils du MBDHP, ces derniers ont déposé une plainte en justice.

Le maire note que « c’est un projet important pour le Burkina et pour Pouytenga, la première commune exportatrice de bétails ». Cela devrait permettre au Burkina de moins exporter du bétail sur pied, avec les avantages que cela implique, ajoute-t-il. Conscient de cet « intérêt national » également, les plaignants se disent favorables au dialogue pour s’accorder sur certains points pour la réalisation du projet.

Franck Michaël KOLA

Minute.bf

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