Depuis quelques mois, il y a un afflux de mendiants à Ouagadougou. Dans les carrefours, aux abords des feux tricolores, dans les artères des quartiers de la ville, ces personnes, obligées de survivre dans un univers qui n’est pas le leur, s’adonnent à la mendicité. Au risque de leur vie, au mépris de leur dignité, ils accostent, harcèlent les usagers de la route pour leur pitance quotidienne.
Pour mieux comprendre comment ces personnes se sont retrouvées en situation de mendicité soudaine dans la capitale, une équipe de minute.bf est allée à leur rencontre. Direction, arrondissement 6, aux feux tricolores non loin du croisement du 75e anniversaire.
Ainsi, quand nous sommes allés vers eux, très vite nous nous sommes heurtés à la barrière linguistique car ceux-ci parlaient le Fulfuldé, la langue de l’ethnie peulhe. C’est ainsi que nous nous sommes attaché les services d’une interprète.
Des femmes du sahel en situation de mendicité à Ouagadougou expliquent leur calvaire
Salamata (nom d’emprunt) nous explique comment à partir de certains villages du Séno et du Soum (Ndlr; Sahel) d’où elles sont ressortissantes, elles et ses partenaires d’infortunes se sont retrouvées à mendier dan les rues de la capitale. »Nous avons quitté nos villages fuyant les tueries et les pillages des terroristes. La plupart d’entre nous ont marché pour rejoindre des villes où il y a plus de sécurité », a-t-elle soupiré. Dans le désarroi, elle explique qu’elles ont fui leur village, laissant tout derrière elles. Ainsi « arrivées dans la capitale et ne connaissant personne, il fallait survire. La mendicité s’est alors imposée à nous » a-t-elle appuyé.
A l’entendre, ce sont des pièces de 25, 50, 100 FCFA que les plus sensibles à leur cause leur offrent. « Avec ce qu’on gagne, il est difficile pour nous de pouvoir manger à notre faim et de payer le loyer même dans la zone non-lotie où nous sommes », nous confie-t-elle.
Bibata (nom d’emprunt), ayant également fuit le conflit au Sahel raconte son calvaire. « Je suis venue à Ouagadougou parce qu’il n’y a plus rien au village. Nos troupeaux ont été pillés et tout le monde a fui », explique-t-elle. Pourtant a-t-elle poursuivi : « Notre communauté vit essentiellement de l’élevage. On tire notre nourriture de nos troupeaux. Mais avec le terrorisme, on ne peut plus faire l’élevage, pis, nos troupeaux sont pillés ». Pour elle, il n’y avait plus rien à faire dans les villages car « les hommes ont aussi déserté ». Alors, « fuyant avec les enfants, on a fini par rejoindre la capitale pour plus de sécurité », raconte Bibata.
Hélas Ouagadougou, l’eldorado, s’est transformé en un cercle vicieux de la mendicité pour ces dames et leurs enfants. Quant à leurs maris, elles n’en pipent mot quand on leur demande à savoir où ils sont. Aussi à la question de savoir pourquoi elles ne cherchent pas à travailler ? Nous nous heurtons également à un mur de silence. Tout ce qu’elles ont pu nous dire, « nous voulons juste à manger et un bon toit ».

Intrigués par cette sollicitude, nous leur demandons si des structures du ministère en charge de l’Action Sociale ou la mairie les ont approchées pour essayer de leur porter secours et assistance. Leur réponse est tout simplement non ! « Moi je suis ici il y a presque 2 ans…Depuis que nous sommes venues, nous n’avons pas reçu d’aide », nous confie Salamata qui ajoute: « entre temps nous avons entendu qu’une structure aidait des nécessiteux. Nous y sommes allés, on y partageait effectivement des vivres mais malheureusement le don était conditionné par la présentation de papiers tel que la Pièce Nationale d’Identité Burkinabè (CNIB) ce que nous n’avions pas« . « Nous avons fui en laissant tout derrière nous. Même un plat nous n’avons pas pris, à plus forte raison des papiers » a-t-elle répété tout en s’offusquant du fait qu’on leur demande des papiers avant de leur porter assistance.
Pour plus d’éclairci, nous avons tenté de rencontrer un responsable de l’Action sociale sans succès. Nos tentatives auprès du service de la communication du ministère sont restées lettres mortes. Finalement, c’est le maire de l’arrondissement N°6, Jean Nacoulma qui a bien voulu nous recevoir.
La version de Jean Nacoulma, maire de l’arrondissement n°6 de la ville de Ouagadougou
« Nous apercevons, comme tous les citoyens de l’arrondissement, ces personnes en situation de mendicité dans notre commune aux abords des feux tricolores et dans les artères des quartiers. C’est vraiment dommage que le Burkina traverse cette crise sécuritaire qui entraîne la mort de ses fils et filles et par voie de conséquences, entraîne des déplacements de populations fuyant la terreur de ces zones de troubles vers les grands centres, les grandes villes, pour plus de sécurité. Malheureusement c’est un phénomène difficilement maîtrisable », convient Jean Nacoulma, maire de l’arrondissement 6. Néanmoins, celui-ci assure jouer sa partition au niveau local car dit-il : « Nos services au niveau de la mairie ont fait le constat de la situation et a écrit au ministère en charge de l’Action sociale et de la Solidarité nationale pour signifier la présence de ces personnes en situation de mendicité au niveau de l’arrondissement pour suite à donner ». Mais, « la réalité est qu’au niveau de la mairie nous n’avons pas de sites pouvant prendre ces personnes vulnérables en charge si bien que nous ne pouvons pas nous engagés à prendre en charge ces personnes dans le besoin » avoue Jean Nacoulma.
De l’avis du maire, avant même de penser à d’éventuelles solutions, il faut pouvoir identifier les besoins réels et adapter l’approche pour pouvoir prendre ces personnes dont »la culture influence fortement le comportement’’.

En effet, celui-ci a bien voulu nous raconter un fait singulier dont il a été témoin : « l’anecdote, c’est que le ministère de l’Action sociale et de la solidarité nationale souhaite leur offrir des abris. Le ministère souhaite même les regrouper dans des sites où il pourrait mieux s’occuper d’eux en attendant de faire leurs documents d’identification. Mais j’ai été témoin et je le confirme, ces personnes détalent dès lors qu’ils aperçoivent le bus du ministère de l’action sociale venant les enrôler. C’est dommage que ces personnes refusent la main tendue du ministère parce que rester aux abords des voies n’est pas la solution à leurs problèmes. Il faudrait plutôt qu’elles se retrouvent dans un site bien organisé pour que l’autorité puisse leur venir en aide ».
Les citoyens, quant à eux, sont partagés entre compassion, mépris et craintes vis-à-vis de ces personnes déplacées. Interrogé sur la question, un riverain s’exprimant sous le couvert de l’anonymat, déclare : « Je trouve qu’ils encombrent les rues parfois. Cela nous dérange mais on ne peut rien y faire. Si on ne peut pas les proposer une alternative on ne peut que se complaire à leur activé. Sinon, souvent, elles se ruent vers des véhiculent pour mendier au risque de provoquer un accident ou de perturber la circulation routière. Ils mettent en danger leurs vies et celles des autres. Mais comme je vous l’ai dit comme on n’a pas une alternative à leur proposer, on ne peut que constater ».
Un autre usager rencontré sur les lieux déplore également cette présence sur les voies : « Je trouve que ces gens qui mendient devraient plutôt chercher à travailler ou à faire quelque chose de lucratif au lieu de passer les journées à demander l’aumône. Cependant on ne peut pas tous- leur en vouloir car certains d’entre eux ont fui des zones de conflit ».
Pour sa part, le premier responsable communal convient qu’« en plus du risque de se faire percuter par des usagers de la route, ces personnes commencent à agacer certains citoyens qui ont eu à nous interpeller à maintes reprises pour se plaindre de leur harcèlement sur les voies ».
« D’autres ont même un sentiment d’insécurité », nous apprend Jean Nacoulma. De ce qui lui revient, dit-il, la plupart des usagers n’aiment pas la manière dont ces personnes se collent à eux sur les voies pour mendier.
Selon le maire de l’arrondissement n°6 de « Ouaga la belle », il faut accepter le dire : « Nous sommes aussi dans une situation de peur et de psychose du fait du terrorisme et ces personnes venant d’une zone de conflit suscitent des craintes et des méfiances chez certains usagers ».
Hamadou Ouédraogo
Minute.bf