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jeudi 28 mars 2024

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Crise foncière au Burkina : « Nous n’habiterons pas au ciel », préviennent des habitants

L’entreprise Alternatives productions a mené une enquête sur le droit au logement dans certaines localités environnantes de la capitale Ouagadougou. Les habitants de Zongo et de Gargin ne savent plus à quel saint se vouer. Eux qui vivent dans les zones non loties aujourd’hui convoitées par les promoteurs immobiliers. Ces populations accusent une mauvaise gestion des zones non loties par les gouvernements précédents et n’accordent plus du crédit aux autorités actuelles car, pour eux, « ce sont les mêmes depuis 2011 et 2013 qui sont toujours aux commandes ».

« Nous n’habiterons pas au ciel ».C’est un film documentaire de 40 minutes qui révèle la difficile condition de vie que traversent les populations des zones non loties au Burkina Faso. Ce film a été réalisé pour soutenir l’effectivité du droit au logement des femmes et hommes au Burkina Faso. En rappel, le lotissement, après la chute de l’ancien régime, avait été suspendu. Et les populations des zones non loties attendent impatiemment cette répartition pour s’offrir enfin un lopin de terre. « La question de logement de par le passé a été très mal appréhendée et mal gérée », affirme Jean Nacoulma, maire de l’arrondissement 6 de Ouagadougou. Ainsi, avec l’arrivée au pouvoir du nouveau régime, une commission d’enquête parlementaire sur le foncier avait été diligentée.

Les populations des zones non loties accusent le gouvernement d’une mauvaise gestion de la question foncière au Burkina Faso (Image utilisée à titre illustratif)

L’enquête parlementaire a porté sur les lotissements effectués de 1995 à 2015 dans les grandes agglomérations urbaines du Burkina. L’étude a concerné notamment les deux communes de Ouagadougou et Bobo-Dioulasso. Après 90 jours de travaux faits de fouilles et d’auditions, de recherches documentaires, de sorties de terrains dans quinze villes du Burkina, la commission d’enquête a diagnostiqué de nombreuses irrégularités dans toutes les communes couvertes par l’enquête. Dans les localités visitées, en 90 jours, les enquêteurs ont relevé plus de 105 000 parcelles entachées d’irrégularités. La commission a relevé, entre autres, des cas de lotissements de sites sans autorisation, des cas de morcellement d’espaces verts, des marchés et yaars, des terrains de sports et de réserves administratives sans autorisation, des occupations illégales, des changements de destinations sans autorisations, etc.

Aucune suite n’est pour le moment apportée à cette commission d’enquête qui a présenté son rapport depuis le 13 octobre 2016 à l’Assemblée nationale. « Ce sont les mêmes depuis 2011, 2013 qui sont toujours aux affaires. Ils tournent toujours dans les ministères. Ils savent où se trouvent les parcelles… », a regretté le maire de l’arrondissement 6 qui reste convaincu que  si les autorités actuelles retirent, ne serait-ce que 200 parcelles illégalement attribuées à certaines personnes, il aurait pu résoudre au moins un tiers de son « problème » avec ses populations. En réalité, selon les témoignages recueillis par Alternatives productions, certaines personnes cumulent pour elles seules plus de dix parcelles pendant que d’autres n’ont aucun lopin de terre pour mettre un toit. « Nous connaissons des gens qui ont deux, trois, quatre jusqu’à dix parcelles pendant que nous n’avons même pas une seule parcelle », dénonce M. Compaoré, un habitant de Gargin, les yeux larmoyants. Ce sexagénaire, cheveux blanchis sous le poids de l’âge, dit détenir les preuves de ses affirmations et les mettra à la disposition de quiconque veut travailler à la manifestation de la vérité dans cette affaire.

« Le gouvernement est égal aux sociétés immobilières »

Les populations des zones non loties, dans le film documentaire « Nous n’habiterons pas au ciel », dénoncent une mauvaise politique foncière au Burkina Faso et n’entendent pas voter en 2020 si la question foncière n’est pas résolue

Les habitants de la zone non lotie de Zongo accusent Simon Compaoré (ancien maire de Ouagadougou) et Séraphine Ouédraogo (ancienne maire de Boulmiougou) qui leur auraient vendu du vent dans cette affaire de lotissement. « Simon Compaoré est venu ici et nous a dit de ne pas craindre car tout le monde aura sa parcelle. Nous l’avons applaudi ici. Mais depuis lors, rien », se rappelle un habitant de Zongo qui pense que « Blaise (Compaoré) est mieux que ceux-là ». Pour ce membre d’une association de lutte pour le droit au logement au Burkina Faso, habitant de la zone non lotie de Gargin, « les dirigeants actuels nous volent plus que ceux qui étaient là avant ».

Un autre membre d’association, habitant de Zongo, révèle que pendant le lotissement, des personnes résidentes ont été privées de parcelles au détriment de certaines personnes qui ne connaissaient même pas la situation géographique de la zone. « Comment comprendre que des résidents n’ont pas de terrain alors que des personnes quittent ailleurs pour venir prendre deux, trois, voire cinq parcelles ? », se demande un habitant de Zongo qui prévient que « quelle que soient les magouilles, nous habiterons toujours ici. Personne ne pourra nous faire partir d’ici maintenant ». « Pour ma parcelle je suis prêt à donner ma vie », renchérit un manifestant de Gargin.

« On nous dit que les lotissements sont suspendus mais à notre grande surprise, la question des lotissements a été déférée aux promoteurs immobiliers qui viennent, parcellent les terres et les revendent à des millions aux populations. Moi, depuis que je suis né jusqu’à l’heure où je vous parle, je n’ai jamais pu compter mon propre million. Comment pourrais-je donc payer une parcelle qui coute 9 ou 10 millions ? Pour moi, il n’y a pas de différence entre le gouvernement et les sociétés immobilières. Le gouvernement est égal aux sociétés immobilières. Ils nous volent tous… », soutient cet habitant de la zone non lotie de Zongo.

« Pas de vote sans nos parcelles… »

Dr. Laurent Ouédraogo, documentariste, enseignant-chercheur à l’Université Joseph Ki-Zerbo, directeur de l’entreprise « Alternatives productions »

Pour les habitants des zones non loties concernées par l’enquête de l’entreprise Alternatives productions, « l’affaire du foncier au Burkina Faso reste une bombe atomique qui risque d’exploser d’un moment à l’autre ». Il faut donc que les autorités mesurent l’ampleur du problème avant qu’il ne soit trop tard, ajoutent-ils, avant de prévenir que « chaque habitant est aujourd’hui prêt à mourir pour sa parcelle ».

La question des élections a été abordée dans ce documentaire et les populations des zones non lotie n’accordent aucun crédit à un politicien, quel que soit son acabit. « Pour moi, si un politicien s’hasarde à venir ici pour battre campagne, l’entrée à la zone lui sera facile. Mais sa sortie de la zone dépendra de la volonté de Dieu », a menacé Moussa (nom d’emprunt), habitant de Gargin qui pense que ce sont les politiciens avec leurs discours « mensongers » qui les ont mis dans ces difficultés. « Tant que nous n’aurons pas nos parcelles, nous ne parlerons pas de vote. Pourquoi allons-nous voter ? Ce sont ces voleurs qui nous volent chaque année. Ils nous disent pendant les campagnes qu’ils régleront nos problèmes s’ils accèdent au pouvoir, mais après rien », rétorque Joseph, un autre habitant de Gargin.

« Les populations des zones non loties veulent vivre sur terre comme tout le monde »

Dr. Laurent Téwendé Ouédraogo est documentariste et enseignant-chercheur à l’Université Joseph Ki-Zerbo, réalisateur du film «Nous n’habiterons pas au ciel ». Un film réalisé dans le sens d’une interpellation citoyenne sur la question du logement au Burkina Faso, en vue de contribuer à la recherche de solution pour désamorcer cette bombe sociale qui risque d’exploser d’un moment à l’autre. « Dire que la question du logement est une bombe à retardement est une affirmation vraie. Tout observateur vivant au Burkina peut se rendre compte qu’effectivement, la question du logement, la question foncière tant au niveau urbain que rurale mérite d’être traitée avec diligence parce que c’est une question qui mobilise des millions de mécontents, une question au centre de beaucoup d’enjeux, de beaucoup de convoitise. Et quand les intérêts sont divergents et que ça choque, il faut s’attendre à ce que ça produise des étincelles. C’est la gravité du problème aujourd’hui qui amène les acteurs directs sur le terrain, les acteurs politiques, de la société civile et les populations dans les quartiers à dire que c’est une bombe sociale. Et si la question n’est pas prise en charge rapidement, elle va exploser », prévient l’enseignant-chercheur.

Pour le documentariste de « Alternatives productions », il y a lieu aujourd’hui de prendre au mot cette question foncière en restituant les parcelles détournées à leurs propriétaires légitimes. « Ils veulent vivre sur terre comme tous ceux qui ont des parcelles, comme ceux qui ont les moyens. Ils sont aussi des Burkinabè », a-t-il plaidé en guise de conclusion.

Armand Kinda

Minute.bf  

3 Commentaires

  1. Chacun va récolter ce qu’il a semé.
    Le pouvoir du MPP est indissociable de celui du CDP.Ceux qui ont géré le foncier hier sont toujours aux affaires.Il nous faut une autre insurrection !!!

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