La fermeture du lycée Philippe Zinda Kaboré intervenue le 24 mai 2021 continue de défrayer la chronique. En ces débuts de rentrée scolaire, le personnel, les parents et surtout les élèves (environs 3700) connaissent l’angoisse et l’amertume. Que nous cache réellement Stanislas Ouaro, le ministre de l’Éducation nationale, de l’Alphabétisation et de la Promotion des langues nationales ?
« L’ensemble du personnel sera redéployé prioritairement dans les établissements de la région du centre », peut-on lire dans le communiqué du ministère de l’Éducation nationale, qui précise cependant que ce déploiement se fera « en fonction des besoins ». Les élèves seront également réaffectés dans d’autres établissements.
Pour la première fois depuis 1953, le lycée Zinda, plus grand lycée d’enseignement général public du Burkina Faso avec environ 3700 élèves ne fera pas de rentrée scolaire cette année 2021-2022. Entre liquidation et machination, enseignants, parents et élèves sont désenchantés. Un professeur du Lycée Philippe Zinda Kaboré qui a préféré garder l’anonymat réagit sur cette affaire. À en croire les propos du professeur dudit lycée, les raisons de vétusté des bâtiments, celles des grèves, d’incivisme et de saccages avancés par le ministère de l’éducation frisent des faux-fuyants.
« C’est déplorables toutes cette mise en scène savamment orchestrée par le duo Ouaro, et le proviseur Kyelem. Le Zinda est le point névralgique des grèves scolaires au Burkina Faso depuis des années. Ces enseignants sont reconnus aussi pour leur farouche résistance en termes des droits moraux et physiques. Cependant le lycée fonctionnait sans interruption et fait de bons résultats aux examens chaque année. En clair, la source du problème réside en la mauvaise application de l’IUTS (impôt unique sur les traitements et salaires) que nous avons vivement décriée en menaçant d’arrêter les cours en 2020.», a expliqué l’enseignant.
Sur les 700 victimes de l’IUTS, à l’en croire, 27 professeurs du Zinda en faisaient partie. Selon ses explications, le front commun des professeurs autour de la question de l’IUTS au sein de cet établissement était mal perçu par le proviseur. « Le premier responsable du lycée proférait des règlements de compte à l’endroit de ses collègues et faisait la sourde oreille quand il lui soumettait des doléances. Il avait l’art de pratiquer la politique de la chaise vide », selon notre source.
Quelle est la goutte d’eau qui a débordé le vase ?
« La décision d’annuler subitement les sujets au choix en SVT (science de la vie et de la terre), en Histoire-géographie au BEPC 2021 a suscité le courroux des élèves. Pourtant ces matières sont très larges et compliquées à achever. À cela s’ajoute le problème de la cantine scolaire et le souci de ravitaillement des craies au deuxième trimestre. Notons que plusieurs élèves des lycées environnants à l’instar du Nelson Mandela, du Municipal Paspanga et même des intrus envahissaient la cours de l’école et mettaient fin aux cours. La police s’invitait et s’adonnait à des courses poursuites sans merci. Nous continuons pourtant de faire cours et les élèves ne désemplissaient pas les salles de classe. Ces agissements de la police et l’indifférence du proviseur face à l’avenir des enfants ont mis le feu aux poudres. Aucun enseignant ne peut cautionner l’attitude des élèves. Plusieurs classes ont fait les frais des braqueurs. Mais le proviseur, qu’a-t-il pris comme mesures ? Rien ! A-t- il été toujours présent quand les enfants ou les professeurs voulaient le voir ? Non ! Qu’on arrête de ‘‘diaboliser’’ les élèves du Zinda. », s’indigne l’enseignant.
Retour sur la chaude journée du lundi 17 mai 2021
« Le saccage du véhicule de M. Kyelem est un scénario digne d’une autre époque. Un monsieur qui arrive toujours en véhicule RAV4 et qui gare dehors depuis le début des grèves use de ruse. Ce jour du lundi 17 Mai il vient garer un vieux véhicule devant l’administration et alerte certains travailleurs de rester chez eux. Il leur garantit que le lycée va chauffer. Autre fait, le duo Ouro et Kyelem se contredit. Pendant que le ministre confirmait la présence du proviseur à son bureau le jour de la grève, ce dernier avançait qu’il était allé cirer ses chaussures au CENASA. Quant aux serveurs endommagés, ce sont des alibis. Nous (les professeurs) avons été surpris qu’on nous sorte les bulletins du dernier trimestre. Et vous n’êtes pas sans savoir que le conseil de classe a bel et bien eu lieu. », relate notre interlocuteur.
Pour mémoire, le proviseur Alexis Kyelem déclarait à la presse en mai dernier ceci : « nous n’avons aucune mémoire encore de l’établissement, aussi bien pour ce qui concerne les élèves que le personnel. Tout ce qui était du domaine de l’informatique, les fichiers électroniques, tout a été détruit. Les dossiers physiques des élèves ont été détruits, les dossiers du personnel détruits ».
En termes de vétusté des bâtiments et tables-bancs, notre interlocuteur affirme que le Zinda n’a aucun problème de bancs, de salles, de matériels roulants ou didactiques qui puissent conduire à sa fermeture. « La preuve en est que nous en donnons parfois notre surplus à d’autres établissements. Les bâtiments du Nelson et du Bogodogo ne sont pas mieux que les nôtres. Ce n’est un secret pour personne. Comment peut-on faire le choix d’affecter nos élèves unilatéralement dans ces établissements ? », questionne-t-il.
Pour rappel, les élèves et le personnel du lycée Philippe Zinda Kaboré ont été redéployés dans d’autres établissements publics de la région du centre. Le Ministre Ouaro, en marge du lancement de l’année scolaire 2021-2022 à Gaoua, dans la région du sud-ouest, a affirmé que le lycée Philipe Zinda Kaboré rouvrira ses portes à la rentrée scolaire de 2022-2023 et deviendra « un lycée scientifique d’excellence avec internat et externat ».
Regtoumda Abdou Racisse (Correspondant)
Minute.bf
