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mardi 19 mars 2024

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Retrait du Mali du G5 Sahel : « Il est prématuré de tirer des conclusions sur la survie ou non de l’institution » (Fawzi Bano)

L’actualité est marquée par le retrait du Mali de l’institution régionale, le G5 Sahel, mais aussi par l’augmentation des prix des produits de consommation au Burkina et dans les pays du G5 Sahel. Pour comprendre l’impact de cette situation et trouver des pistes de solutions à la crise inflationniste, www.minute.bf a eu un entretien avec Fawzi Banao, chercheur en économie de la Défense/conflit, plus précisément sur la mobilisation de ressources et gouvernance des pays du G5 Sahel.

Minute.bf : Certains analystes disent que le G5-Sahel a été décapité après la sortie du Mali du G5 Sahel. Quelle lecture en faites-vous?

Fawzi Banao : La sortie du Mali de la force G5 Sahel représente un tournant majeur dans le cadre de la lutte antiterroriste.  En prélude, il convient de rappeler le but de la création de cette force conjointe. En effet, elle fut mise en place afin de faciliter la sécurisation des frontières entre le Burkina Faso, le Mali, le Niger, le Tchad, la Mauritanie par le partage d’informations et surtout la mise en place d’Opérations conjointes entre les pays. Par conséquent, la naissance de l’institution était une nécessité et demeure plus que jamais d’actualité au vu de la nature contagieuse du conflit.

Pour revenir à votre question, il est encore prématuré de tirer des conclusions sur la survie ou non de l’institution. Deux scénarios peuvent naître de cette situation. Le premier porte sur une disparition définitive de l’institution et la perte d’une collaboration multinationale pour une collaboration bilatérale au sein des pays sahéliens.

Le deuxième scénario porte sur un élargissement des membres du G5 Sahel en vue de la création d’une force ouest-africaine. À titre illustratif, il s’est tenu du 04 au 05 mai 2022 une rencontre extraordinaire des chefs d’état-major des pays membres de la CEDEAO afin de discuter du renforcement opérationnel des pays membres.

Cependant, il est certain que cette situation déstabilise la gestion à l’interne des pays de G5 Sahel et plus spécifiquement du Burkina Faso qui est présentement grandement affecté par une situation sécuritaire délétère.

Minute.bf : Le président nigérien Bazoum a déclaré que le G5 Sahel est mort après le départ du Mali. Êtes-vous de cet avis? 

La survie ou non de l’institution dépendra de la volonté et surtout de la vision des décideurs politiques.

Minute.bf : L’inflation est déjà présente au Burkina Faso. En tant qu’économiste, comment expliquez-vous cette crise ?

La situation inflationniste dont est victime le Burkina Faso s’explique par plusieurs raisons. Lors de mes interventions précédentes, j’ai fait ressortir l’impact direct de la crise ukrainienne sur les effets inflationnistes des prix des produits de première nécessité tels que le riz, l’huile, le blé. En outre, le conflit russo-ukrainien impacte les chaînes d’approvisionnement des matières premières notamment les hydrocarbures. Par conséquent on assiste à un effet domino des effets de la crise ukrainienne sur le pouvoir d’achat des ménages et sur les entreprises au sein de notre pays. À cela s’ajoute la crise sécuritaire qui engendre une baisse globale de notre production nationale, conséquence du délaissement de certaines localités qui représentent des bastions agricoles.

La deuxième cause de cette montée inflationniste au Burkina Faso pourrait s’expliquer par le manque des politiques publiques et économiques anticipatives afin d’amoindrir la hausse de la volatilité des prix. Par exemple depuis le 09 mars, le gouvernement ivoirien a déployé des mesures d’urgence et une enveloppe de 55 milliards de FCFA afin de soutenir l’économie face à la flambée des prix. Ainsi, en observant les pays de la zone UEMOA, il est fort de constater que nous n’avons pas mis en place des mesures de politiques économiques anticipatives face à l’inflation afin d’améliorer la résilience de notre économie. 

Minute.bf : Quelles sont les pistes de solutions pour une sortie de crise ou pour amoindrir le choc de l’inflation sur le Burkina Faso?

Dans un contexte difficile de crise sécuritaire, sociale et surtout économique, nous devons réfléchir aux mesures idoines à entreprendre. 

À court terme, la principale problématique actuelle réside en la nécessité d’instaurer des politiques de protection à la fois pour les  ménages vulnérables et également pour les entreprises qui sont le centre névralgique de notre économie. Pour ce faire 9 propositions peuvent être émises : 

1- Créer de la marge budgétaire par la réduction des dotations de carburant de fonction (pas de fonctionnement) dans l’administration publique. 

2- Ajuster à la baisse les tarifs d’importation pour les produits de première nécessité. Il faut s’assurer que les importateurs s’alignent. 

3- Réduire les tarifs d’importations des engrais et encourager la production locale d’engrais chimique sous l’égide de l’INERA (Institut de l’Environnement et de Recherches Agricoles).  Cela améliorera la productivité agricole et par ce biais la baisse de l’inflation, conséquence d’une augmentation de l’offre de biens de consommation. 

4- Subventionner les vivres de première nécessité aux déplacés internes dans les camps de réfugiés. 

5- Plafonner pour une période de 2-3 mois les prix des produits de grandes consommations (riz, maïs…) afin de permettre aux ménages de résister à la flambée des prix. 

6- Améliorer la trésorerie des entreprises dans les secteurs clés de l’économie (BTP, transport…) par un report des échéances fiscales. 

7- Mobiliser les acteurs financiers pour un report des délais de paiement des crédits par les entreprises. 

8- Mettre  en place une stratégie de surveillance de vente  des produits pétroliers dans les zones à fort risque sécuritaire. 

9- Augmenter la réquisition des terres cultivables au profit des personnes déplacées internes. 

Cependant, il est important de noter que toutes ces propositions mettent en exergue la nécessité d’avoir une vraie politique de mobilisation de ressources afin de faire front à la fois à la crise sécuritaire et économique. 

Propos recueillis par Hamadou Ouédraogo 

Minute.bf 

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