lundi 30 décembre 2024
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« Si Blaise a collaboré avec les terroristes, les dirigeants actuels ne sont pas aussi innocents », (Yumanli Lompo)

Le président du Parti national des Démocrates sociaux (PNDS), Yumanli Lompo a donné sa lecture de la situation sécuritaire que traverse le Burkina Faso. Il estime pour sa part que si Blaise Compaoré, ancien président du Faso, a collaboré avec les terroristes pendant son mandat comme l’affirme une certaine opinion, les dirigeants actuels sont aussi comptables de cette collaboration parce qu’ils étaient, à l’époque, le moteur du régime Compaoré. Dans ce entretien qu’il a accordé à votre journal www.minute.bf, il revient plus en détails sur ces faits et nous parle aussi de la présence des forces militaires étrangères au Sahel…

Minute.bf: En ce qui concerne la sécurité, on a l’impression que vous accusez le président Kaboré. Pourtant, d’aucuns disent que ce sont ses prédécesseurs qui ont semé les germes en hébergeant certains acteurs de premier plan de ce terrorisme bien avant au Burkina Faso. Votre réaction ?

Yumanli Lompo: Non, quand j’entends de tels propos, cela me fait rire. Si c’était des gens qui n’avaient pas côtoyé le président Compaoré, honnêtement, je pouvais l’accepter. Mais, il est difficile de cautionner cela pour des personnes qui ont travaillé 26 ans avec Blaise Compaoré. Il fut premier ministre, ministre des finances et président de l’Assemblée nationale pendant 10 ans en même temps qu’il était président du parti, ce qui veut dire qu’il est carrément le cerveau, celui-là qui fabrique le président. Celui qui fait tout pour que le président soit élu, réélu et aussi qui fait asseoir son programme. Donc, il ne peut pas dire qu’il n’était pas au courant de tout ce qu’il se passait. C’est d’ailleurs pour cela que certains parlent « d’ancien-nouveau pouvoir » et ils n’ont pas tort. C’est même dommage qu’ils n’aient pas fait leur mea-culpa jusqu’au bout pour reconnaitre qu’ils sont aussi comptables de la gestion sous Blaise Compaoré. Blaise est le chef mais il leur revient de mettre en œuvre la politique, les orientations qu’il leur a soumises. S’ils n’étaient pas d’accord avec cela, ils pouvaient claquer la porte et s’en aller, ils n’étaient pas attachés. Donc ils ne peuvent pas dire qu’ils sont innocents.

N’est-ce pas ce qu’ils ont fait à la dernière minute ?

Ce n’est pas ces arguments qu’ils peuvent utiliser pour se dédouaner. Parce que, ce sont eux qui étaient au pouvoir et ce sont eux qui sont encore au pouvoir. Je ne pense pas que Roch Kaboré qui était président de l’Assemblée nationale ait levé le petit doigt. Personne n’a contesté, au contraire, ils étaient tous fiers de voir que c’était eux qui géraient le dialogue et les négociations que ce soit dans les coulisses où en plein jour. Et aujourd’hui, ils sont rattrapés par leurs propres turpitudes. C’est ce qu’ils ont semé, ce qu’ils ont préparé, qui les rattrape. Il est trop facile de dire aujourd’hui que c’est Blaise Compaoré qui avait tout fait.

Nous sommes des républicains. Le 25 septembre 2013, après l’élection des sénateurs nous nous sommes levés et avions réussi à empêcher la mise en place du sénat et tout le monde était satisfait. Ceux qui ont participé au nom de l’opposition ont profité du fait que le Ministère de l’Administration territoriale, de la Décentralisation (MATD) ait dit à l’époque que les partis doivent faire une déclaration d’allégeance au CFOP pour ne pas être en porte-à-faux avec la loi. Quand vous voyez les gens s’agiter, c’est pour qu’on dise qu’ils étaient à l’opposition qui a organisé les mouvements. Vous savez que dans ce pays, organiser des marches avec des milliers de personnes sans qu’il y ait des incidents, c’est rare. Mais ce que les gens ne disent pas, quand Blaise Compaoré a décidé de laisser tomber tout ce qu’il avait entrepris, le CFOP a réuni tous les partis qui étaient présents pour rédiger une note qui appelait les populations à rentrer chez elle. Mais ce sont ceux qui sont au pouvoir qui ont demandé aux gens d’aller faire partir Blaise Compaoré.  

Le CFOP a-t-il pu lire sa déclaration  ?

La déclaration a été lue. Mais, ce sont les Simon Compaoré qui sont allés à la radio Oméga pour appeler les gens à faire partir Blaise Compaoré. Et ceux qui étaient à la Place de l’unité ont décidé d’aller brûler le CFOP comme cela a été fait avec l’Assemblée nationale. C’est là que nous nous sommes retrouvés encore et nous avons tweeté et demandé le départ de Blaise parce que les camarades qui venaient d’arriver ont lancé le mot en disant qu’il faut qu’il parte sinon ils étaient morts.

Est-ce à dire que Zéphirin Diabré et les autres membres du CFOP ne souhaitaient pas le départ immédiat de Blaise Compaoré ?

Il n’a jamais été question de cela à l’opposition. Quand il a dit : « ça passe ou ça casse », c’est pour dire que Blaise Compaoré doit savoir qu’il ne doit pas franchir la ligne. Maintenant, ceux qui sont venus et qui connaissent l’homme, ont trouvé que si jamais, il devait rester jusqu’à la fin de son mandat, eux, ils étaient morts. Tout récemment même, ils ont confirmé que c’est le 25 août qu’ils ont décidé de la stratégie de faire partir Blaise Compaoré. Ils peuvent maintenant dire les circonstances de leur départ du CDP. La brouille que Feu Salifou Diallo a eu à l’époque avec le pouvoir en place, a fait de telle sorte qu’il a été sanctionné et envoyé comme ambassadeur. À partir de là, tout le monde sentait que quelque chose allait se produire. En 2012, c’est lors du dernier congrès qui a débarqué ces caciques-là, que cette idée est née. Parce que, politiquement, ils étaient morts ; c’est pour dire qu’au moment où on les a débarqués, ils n’étaient pas du tout contents. Ce qui me laisse croire que leur départ n’était pas planifié, qu’il y a des circonstances qui les ont obligés à quitter le CDP.

Premièrement, c’est parce qu’ils se sont rendu compte que l’opposition est forte puisqu’ayant pu empêcher l’installation du sénat bien que les sénateurs étaient déjà élus. Deuxièmement, ils n’ont été reconduits sous aucune autre forme dans le bureau exécutif national, ni comme conseillers, ni comme membres du bureau exécutif national. Pour un parti politique où il y a l’influence des leaders qui placent des gens qu’ils veulent lors des élections, ils n’ont pas pu le faire parce que la Fédération associative pour la Paix et le Progrès avec Blaise Compaoré (FEDAP/BC) et autres que Blaise avait choisi de conduire les ont écartés.

Blaise venait de les humilier complètement. Ce sont eux-mêmes qui nous ont montrés réellement qu’ils n’avaient aucun député à l’issue des élections. Dans tous les cas, s’ils avaient réellement des députés, ils pouvaient avec les députés de l’opposition, empêcher le passage de la loi. Nous leurs avions demandé le nombre des députés qu’ils estimaient à leurs côtés et ils nous ont fait savoir qu’ils n’avaient pas de députés. C’est de là qu’est venue la stratégie d’investir les lieux de l’Assemblée nationale pour empêcher le vote le jour-j, cela étant reconnu par la loi. C’est dans cela qu’ils ont fait leur calcul, sinon, le CFOP n’était pas du tout au courant de cette manigance. Comme ils ont été écartés, ils ont fui et leur parti a demandé à venir au CFOP. En son temps, quand ils m’ont demandé mon avis de l’adhésion du MPP au CFOP, j’ai répondu que tout ce qui peut aider à affaiblir le président Blaise Compaoré est à saluer.

C’est donc dire que vous aviez un ennemi commun ?

Bien sûr, puisque eux-mêmes étaient devenus plus farouches que nous. Nous étions engagés de façon républicaine tandis qu’eux, ils avaient d’autres agendas dont nous n’étions pas au courant. Donc cela les arrangeait. Il y a un adage qui dit que quand vous frappez un enfant et qu’il vous échappe, il court vers une personne plus âgée et quand vous allez arriver là-bas, vous arrêterez de le frapper. Nous étions la personne la plus âgée qui avait les moyens d’empêcher que Blaise ne puisse les atteindre.

Aussi, quand le président à dissout son gouvernement et l’Assemblée nationale saccagée, on s’est dit qu’il n’y avait plus de raison que le CFOP continue à prétendre à son titre puisqu’émanant même de l’Assemblée nationale. L’Assemblée étant dissoute, il a donc préféré se mettre aux côtés du peuple, de la société civile et des syndicats qui étaient présents. En fin de compte, ce qui est arrivé est arrivé, Blaise Compaoré est parti et nous n’avons pas su gérer dans la mesure où c’est l’armée encore qui a pris les devants.

Cela fait cinq ans que Blaise Compaoré a quitté le pouvoir. Le Burkina Faso fait, depuis lors, face à une grave crise sécuritaire. Le président du Faso lors d’une allocution a lancé un appel de recrutement de volontaires, comment appréciez-vous cette mesure présidentielle ?

Là, c’est pour signifier l’incompétence notoire du gouvernement. Nous sommes dans un État de droit, un État régalien où tous les rôles sont attribués. Il est le garant de l’intégrité territorial, le garant de la protection des personnes et des biens. Il a les moyens qui lui permettent de le faire. Il y a une armée aguerrie, des Forces de Défense et de Sécurité (FDS) qui, même si par moment l’on sent que l’autorité de l’État est mise à mal, restent tout de même une force de dissuasion aussi bien pour nos populations que pour les menaces extérieures.

Je me demande s’ils ne répètent pas l’erreur qu’ils ont commise pendant qu’ils étaient au pouvoir avec Blaise Compaoré, avec leur affaire de police de proximité. Ce qui n’est pas légal car nulle part, la constitution n’autorise cela. Peut-être, à l’époque, l’on ne pouvait pas avoir les médias comme c’est le cas aujourd’hui pour passer l’information mais nous avons critiqué cela. Non content de tout cela, après l’insurrection, l’on a vu que le grand banditisme qui était là, se poursuivait et quand ils sont arrivés aux affaires, c’est pareil. Mais cela est née de la volonté de créer les Koglwéogo, des groupes d’auto-défense qui en un laps de temps ont vraiment nettoyé certains endroits et les gens circulaient librement. Les gens ont beaucoup apprécié et ils ont compris que si l’on veut rester régalien, force reste à la loi.

Ainsi, ils ont dit qu’ils allaient les encadrer. Mais, jusque-là, nous ne voyons rien. Si les uns et les autres peuvent contribuer un tant soit peu, sous quelle forme que ce soit, par exemple en détectant les choses et en transmettant l’information aux FDS, ce serait intéressant. Mais, que le chef de l’État sur les antennes fasse une telle déclaration sur le recrutement des volontaires, je trouve cela lamentable. Parce que, ce n’est même pas légal et ils veulent légaliser cela en l’amenant au Conseil des ministres afin qu’un projet de loi soit transmis à l’Assemblée nationale. On verra bien sur quelle base ils vont le faire.

Ne croyez-vous pas que les populations locales peuvent être d’un certain apport dans cette guerre ?

Je dis que c’est une aberration parce que si les FDS qui sont aguerries au combat, qui ont fait l’extérieur pour la plupart ne sont pas venues à bout du mal et qu’on enregistre même des victimes dans leur rang, quel rôle pourront jouer ces volontaires-là ? Vont-ils jouer le rôle des FDS, se confondre aux FDS ou quel sera leur statut ? Des policiers ? Des réservistes ou des militaires dont on ne dit pas les noms ? Et pour combien de temps ? Nous attendons de voir comment cela va se faire.

Si c’est prendre simplement des gens qui vont rester dans les villages comme les autres villageois, à qui l’on va donner des armes, cela peut aggraver la situation parce que les terroristes viennent, attaquent des postes de sécurité et des villages dont ils déciment les populations. Il était de bon ton que le président appelle le Chef d’État-major des armées, le ministre de la sécurité et celui de la défense et tous les techniciens de la question sécuritaire, pour leur demander ce qui ne va pas, et ensuite les instruire d’autres directives pour la protection des populations.

Etes-vous du même avis qu’une certaine opinion qui souhaite que l’on négocie avec les terroristes ?

On négocie avec quelqu’un  qu’on connait. Si nous arrivons à identifier celui avec qui nous avons des problèmes, nous pouvons chercher quelqu’un qui pourra  entrer en contact avec eux pour leur demander ce qui ne va pas concrètement  par rapport à notre situation. C’est là-bas je trouve que le Président du Faso a raté le processus. Il vous souviendra que c’est lui-même qui a dit qu’il a reçu les terroristes à Kossyam. J’imagine que ces gens ne sont pas venus pour seulement les pick-up ou d’autres choses. Mais ils sont venus peut-être pour le féliciter de son élection et certainement chercher à savoir éventuellement s’ils peuvent l’accompagner dans sa mission. C’est ce que je pense.

Ce jour-là si j’étais à la place du président, je leur aurai dit de patienter parce que je viens d’arriver aux affaires et que je leur reviendrai dès que possible. En ce moment je réunis mon état-major pour lui donner l’information pour voir quelle posture adopter contre ces personnes dans le seul but de garantir la sécurité des populations et l’intégrité du territoire.

Concrètement, faut-il, selon vous, négocier avec les terroristes ?

S’ils connaissent ceux qui nous attaquent, qu’ils prennent contact avec eux pour que ça cesse. Il n’y a pas d’autre moyen de mon point de vue. Simon Compaoré a même a dit qu’il les connaissait. L’opposition lui a même dit de les signaler à la justice pour qu’ils soient interpellés sinon il sera reconnu comme leur complice.

L’actualité est marquée par un sentiment anti-français dans la bande sahélo-saharienne. En ce qui concerne le Burkina, est-ce que vous êtes de ceux qui estiment que la présence de ces forces étrangères constitue un handicap pour vaincre le terrorisme ?

Il ne s’agit plus maintenant du Burkina Faso seul. Il s’agit maintenant du G5 sahel. La prise de position, le Burkina à lui seul ne suffit pas pour gérer cette question. Ce sont les cinq chefs d’Etats qui doivent prendre une décision tout en mesurant les conséquences. Ces conséquences peuvent être positives ou négatives. En réalité, le tollé qu’il y a depuis un certain temps contre la présence militaire française a été exacerbé lorsque le président Emmanuel Macron a envoyé une convocation aux présidents du G5 sahel pour leur demander de rejoindre la ville française de Pau afin de clarifier leur position vis-à-vis de la présence de la force Barkhane au sahel. C’est un manque de respect envers nos dirigeants et à nos peuples. La grogne des populations des pays du G5 Sahel autour de la question prouve qu’elles sont indignées.

Le président du Faso est le président en exercice du G5 sahel. S’il y avait le minimum de respect envers notre président en tant que président du G5 sahel, le président Macron devait l’appeler au préalable pour lui faire part du sentiment des français par rapport au comportement répulsif de nos peuples vis-à-vis de la présence militaire française. C’est tellement irrespectueux que pas un seul Burkinabè ne peut en rester indifférent.

Encore par la suite, le Niger a été attaqué. Il y a eu 71 morts. Le président Macron appelle le président Mahamadou Issoufou pour lui présenter ses condoléances et lui notifier qu’à cet effet, la rencontre avec les présidents du G5 sahel sera reportée en lui disant de passer le message aux autres présidents. Macron convient avec Mahamadou Issoufou du report de la rencontre entre la France et les pays du G5 sahel sans informer le président en exercice du G5 sahel. Cela veut dire que depuis un certain temps, il est entrain de bouder notre pays. Qu’est-ce qui s’est passé pour qu’il se comporte ainsi ? C’est peut-être dû à la sortie médiatique du ministre de la défense burkinabè sur la chaine sud-africaine dénonçant l’inefficacité de la force française Barkhane au sahel qui n’a pas été du bon gout des Français. 

A l’étape actuelle, est-ce que vous estimez qu’il faut que les forces étrangères partent du sahel et quelles peuvent être les conséquences de leur départ selon vous ?.

Vous savez, même si vous voulez divorcer d’avec votre femme, il y a des gens qui vont vous négocier afin que vous reveniez sur votre décision. C’est pour vous dire que l’on peut faire l’erreur de chasser la France du jour au lendemain. Il faut prendre le temps pour se préparer pour parer à une éventuelle rupture.

 Personnellement, je ne peux pas dire à la France de s’en aller parce que ce n’est pas moi qui gère le pays. En plus, je ne sais pas dans quelle situation notre armée est actuellement. Et puis, ils peuvent nous créer des difficultés avant de partir si toute fois nous leur demandons de s’en aller. La preuve, nous avons déjà vu le cas avec la Guinée de Sékou Touré qui s’est complétement détaché de la France en 1958. Les Français sont partis avec tout ce qu’ils possédaient jusqu’à la plus petite chose qu’ils possédaient. La Guinée démunie devait compter sur l’aide de Cuba et de certains pays pour survivre. Je pense que notre partenariat avec la France doit être un partenariat gagnant-gagnant et franc. Je suis d’ailleurs pour la diversification des relations diplomatiques, cela nous permettra d’être moins dépendants d’un seul pays. Nous pensons que même si l’opposition prend le pouvoir, elle  devra s’inscrire dans cette logique de diversification des relations diplomatiques afin que le Burkina Faso soit moins dépendant diplomatiquement de la France…

Lire aussi: « La plupart de tous ces projets sur des roulettes aujourd’hui ont été ratifiés sous la transition », Yumanli Lompo du PNDS

A suivre…

Minute.bf

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