lundi 23 décembre 2024
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Violences gynécologiques et obstétricales : Le cri silencieux des femmes dans les maternités au Burkina Faso

Dans les salles d’accouchement des cliniques et maternités du Burkina Faso, les cris de douleur des femmes en travail résonnent parfois dans une indifférence glaçante. Sous les cris des nouveau-nés et les éclats de joie des familles, se cachent souvent des silences lourds de femmes marquées par l’humiliation. Entre violences verbales, gestes brutaux et interventions sans consentement, les violences gynécologiques et obstétricales (VGO) sont une réalité méconnue au Burkina Faso, qui, pourtant, affectent durement de nombreuses femmes. Loin d’être des cas isolés, ces actes sont le reflet d’un système de santé sous pression, où, les patientes, par ignorance ou manque de recours, se retrouvent contraintes au silence. À Ouagadougou, plusieurs femmes gardent encore les stigmates de leur passage dans certaines maternités. Reportage.

Mardi 15 janvier 2020, il est environ 20 h lorsque les contractions de Fanta Ndiaye, 25 ans, enceinte de neuf mois environ, débutent. La douleur s’intensifie. Un cri alerte sa tante. Vite, l’hôpital ! Un véhicule est trouvé d’urgence. Fanta est embarquée pour un dispensaire du quartier Tampouy, dans l’arrondissement 3 de Ouagadougou. Aussitôt arrivée, tout en sueur, elle est aidée de sa tante et le chauffeur pour pénétrer l’enceinte de la maternité. La jeune femme qui croit avoir franchi la porte du salut, se rend vite compte qu’elle n’est pas au bout de son calvaire.

Fanta Ndiaye, victime de VGO

Dans la salle d’attente, Fanta, souffrante, attend désespérément qu’une infirmière vienne à son secours. Les sages-femmes, pourtant présentes à quelques mètres de là, semblent impassibles face à ses gémissements de douleur. « Nous étions assises dans la salle d’attente, moi en crochets entre le chauffeur et ma tante, pendant des minutes. Personne n’est venue nous demander ce qui se passait. C’est finalement ma tante qui est allée vers elles pour les interpeller avant qu’elles ne daignent nous indiquer une salle d’accouchement », relate-t-elle, encore marquée par les faits.

« J’ai accouché sur le sol de la salle d’attente … »

Le cauchemar continue jusque sur le lit de l’accouchement. Allongée, tout en sueur, elle devra attendre au moins une vingtaine de minutes avant qu’une sage-femme ne se décide à venir l’ausculter. Et quand celle-ci arrive, c’est pour lui faire des reproches : « Elle m’a ordonné de descendre du lit pour y étaler un drap. Je me suis difficilement levée, aidée par ma tante, et comme je ne pouvais plus tenir debout, je me suis couchée par terre. C’est là qu’elle m’a examinée et a conclu que je n’étais pas prête. Elle nous a ensuite demandé de sortir et d’attendre sur le banc à l’extérieur. », raconte la jeune femme.

Les heures qui suivent semblent interminables pour Fanta et sa tante. L’infirmière ne revient plus à son chevet. Malgré les multiples tentatives de son accompagnatrice pour obtenir de l’aide, les sages-femmes demeurent comme insensibles à sa situation. Lorsque sa tante insiste, les trois dames menacent même de demander leur transfert vers un autre hôpital. Mais la situation s’aggrave : Fanta perd les eaux; et la tête du bébé apparaît. C’est seule, sans aucune assistance, qu’elle met son enfant au monde, sur la terrasse de la salle d’attente. « J’ai accouché sur le sol. Ce n’est qu’en entendant les pleurs du bébé qu’elles se sont précipitées, toutes les quatre, pour constater le fait accompli », confie-t-elle, la mine dépitée.

Cet accouchement non assisté a laissé des séquelles : Son bébé allait bien, mais elle-même saignait abondamment. Il a fallu, à l’en croire, l’intervention du médecin en chef pour arrêter l’hémorragie.

Comme Fanta, Salimata Ouédraogo (nom d’emprunt), 35 ans, mère de trois enfants, a également vécu une expérience traumatisante dans un centre de santé de la place. Mais pour qu’elle accepte de s’ouvrir, il a fallu pourparler et la mettre en confiance. « J’ai peur d’en parler », a-t-elle fini par nous expliquer sa réticence. Finalement, après maintes reports, c’est dans la matinée du 03 juillet 2024 qu’elle accepte de se livrer à nous, sous couvert de l’anonymat.

Salimata Ouédraogo (nom d’emprunt), victime de VGO

« Elles m’ont dit que mon cas n’était pas urgent… »

Sa mésaventure remonte selon ses explications, à l’année 2019. Alors qu’elle était à terme de sa deuxième grossesse, une échographie a révélé la mort in utéro de son bébé depuis plusieurs jours. Salimata propose alors une césarienne pour évacuer le fœtus, mais les médecins préconisent un accouchement par voie basse en raison de son état de santé fragile à cette époque. À la maternité où elle se rend pour l’accouchement, elle vivra une indifférence indicible du personnel à sa charge.

« Elles m’ont demandé de revenir le lendemain après avoir fait des examens. Le lendemain, dès 5 h 40, j’étais à l’hôpital, mais personne ne m’a parlé jusqu’à 11 h. Quand je me suis renseignée, elles m’ont dit que mon cas n’était pas urgent. Pourtant, elles ne faisaient rien à part bavarder et manipuler leurs téléphones », se souvient-elle.

Mme Ouédraogo affirme avoir passé ainsi une journée dans l’attente et l’angoisse, sans recevoir de soins. Ce n’est que l’intervention d’une de ses connaissances, du corps médical, qui a fini par débloquer la situation. « J’ai appelé à l’aide une de mes cousines médecin. Et dès que les sages-femmes l’ont vue, elles se sont empressées de me prendre en charge. Si elle n’était pas venue, je n’aurais peut-être jamais été soignée », affirme-t-elle, le visage amère.

Durement éprouvée par cette expérience, la jeune femme dit avoir pris une décision radicale : « Depuis ce jour, j’ai décidé que mes prochains accouchements seraient assistés par des maïeuticiens, que je trouve plus attentifs. », nous dit-elle.

Il s’agit là, de quelques manifestations des Violences gynécologiques et obstétricales (VGO), un phénomène devenu malheureusement criard au Burkina Faso ces dernières années. Pour cerner tous les contours de la question, nous prenons rendez-vous avec Dr Boukari Semdé, Maïeuticien d’État et Coordinateur de programme sur le Genre et la Santé reproductive (SR) au sein de l’ONG Medicus Mundi Sur. Après un coup de fil et quelques réajustements calendaires, Dr Semdé est disposé à nous recevoir, dans l’enceinte de l’École nationale de Santé publique (ENSP).

Dr Boukari Semdé, Expert VBG

Très tôt dans la mâtinée du 24 septembre 2024, nous enfourchons donc notre engin, traversons le vrombissement matinal des rues de la Capitale burkinabè, et rallions le lieu du rendez-vous. Nous y retrouvons un Dr Semdé déjà plongé dans son ordinateur. « Il faut faire vite », nous signale-t-il, « parce que c’est jour de travail et les consultations vont bientôt débuter ». Nous le prenons au mot! « Qu’entend-on par VGO et quelles sont ses manifestations? », lui lançons-nous, droit au but.
Les violences gynécologiques et obstétricales, nous répond-t-il, désignent les abus, mauvais traitements ou comportements inappropriés subis par les femmes dans le cadre des soins liés à la santé reproductive, notamment lors des consultations gynécologiques, la grossesse, l’accouchement ou le post-partum.

Il s’agit, dit-il, de violences qui se produisent dans le cadre de la relation soignant-soignée et qui contribuent à une déshumanisation des femmes dans les espaces de soins. Les VGO, poursuit Dr Semdé, peuvent se manifester sous diverses formes. La première forme est d’ordre physique : Elle concerne les interventions médicales sans consentement et les brutalités lors des soins. La seconde, d’ordre psychologique et émotionnelle, a trait aux injures, aux mimiques du visage, aux gestes déplacés, au mépris ou encore au traitement inégal ou discriminatoire envers certaines parturientes dans les maternités.

Les VGO, un problème structurel…

La troisième forme de VGO, à en croire ses explications, est d’ordre institutionnel : elle concerne notamment le déni de ressources, d’opportunités ou de services et englobe les conditions de travail dans les hôpitaux, les ruptures de consommables médicaux, le manque de personnel, la surcharge de travail, qui conduisent souvent à des soins expéditifs et souvent déshumanisants. Et s’il y a une VGO qui est la plus répandue au Burkina Faso, selon l’expert VBG, c’est celle d’ordre psychologique et émotionnel, suivie du déni de ressources et d’opportunités. Aux dires de M. Semdé, une étude menée en 2021, classe les sages-femmes en tête des professionnels les plus impliqués dans ces violences.

Ce tableau illustre les formes de Violences gynécologiques et obstétricales les plus repandues dans une formation sanitaire au Burkina Faso ⤵️

Source: OULALE 2021, Ecole Nationale de Santé publique

Les VGO, souligne le Maïeuticien, sont le plus souvent liées à des problèmes structurels dans le système de santé. Ainsi, si le profil sage-femme est plus enclin à ces violences, c’est en raison des conditions souvent très difficiles dans lesquelles ces dernières exercent. En effet, selon lui, les sages-femmes, en particulier des hôpitaux publics et des zones rurales du Burkina Faso, travaillent dans des environnements où le personnel est souvent en sous-effectif. Elles doivent par conséquent gérer un grand nombre de patientes, parfois avec des équipements inadéquats et des infrastructures vieillissantes. « Cette surcharge de travail conduit inévitablement à une fatigue chronique, à de la frustration et à un manque de patience, qui se traduisent par des comportements brusques ou agressifs envers les patientes. Tout n’est donc pas de leurs fautes », signale le spécialiste.

Il pointe également du doigt le manque de formation de ces sages-femmes en droit des patientes. Pour lui, dans le système de santé au Burkina Faso, la formation des sages-femmes ne met pas suffisamment l’accent sur les droits des patientes, l’importance du consentement éclairé et les aspects psychologiques de la relation soignant-patiente. Ainsi, par exemple, dit-il, certaines sages-femmes ignorent qu’en posant certaines actions, ce sont des violences qu’elles font subir aux femmes. « Savez-vous qu’il y en a qui pensent que c’est en criant sur la femme en travail qu’elles arrivent à la motiver à pousser ? Pourtant c’est une forme de violence. », déplore-t-il, appelant à une synergie d’actions à tous les niveaux pour éradiquer cette pratique des centres de santé.

Une illustration du niveau d’exécution des attitudes et pratiques des prestataires envers les parturientes dans une formation sanitaire au Burkina Faso ⤵️

Source: OULALE 2021, Ecole Nationale de Santé publique

Si Dr Semdé en appelle à cette implication générale, c’est qu’il est conscient du niveau de banalisation dont fait l’objet le phénomène des VGO au Burkina Faso, en dépit de son impact socio-sanitaire négatif. Logées dans le grand groupe des Violences basées sur le genre (VBG), ces violences sont souvent reléguées au second plan dans les politiques de santé publique. Et aux dires de l’expert, aucune initiative nationale spécifique n’a encore été mise en place au Burkina Faso, pour lutter contre ce phénomène. Pourtant, les conséquences sont lourdes : au-delà de l’impact psychologique sur les femmes, les VGO peuvent aussi entraver le bon déroulement de l’accouchement, affecter la santé des nouveau-nés, et, à plus grande échelle, le développement du pays, a-t-il alerté.

D’après ses confidences, des études ont par exemple démontré que le mental est un élément déterminant dans la facilité de l’accouchement et même sur le bien-être du nouveau-né. Plus la femme est affectée au niveau mental, plus l’accouchement s’avère difficile. Ce qui engendre inéluctablement des incidences sur le bébé et sur la société en général. « Si le mental est déjà affecté du fait de ces violences, le travail sera retardé et on assistera à un travail prolongé de l’accouchement. Et quand il y a un travail prolongé, l’enfant va souffrir. Si l’enfant souffre, on va mettre au monde un enfant qu’il faut réanimer. L’expérience aussi a montré qu’un pays dans lequel la majorité des enfants est réanimé, est un pays qui sera confronté au problème du sous-développement parce que ces enfants auront un certain retard cognitif donc improductif pour leur société », a expliqué l’expert.
Outre ces incidences, les VGO laissent à en croire ses propos, des marques profondes sur les femmes qui en sont victimes avec souvent des incidents post-traumatiques.

Mais que disent les sages-femmes ?

Que disent les sages-femmes pointées du doigt ? Cette question cruciale mérite une réponse claire. Et pour tenter d’y voir plus clair, nous prenons rendez-vous avec Blanche Zoungrana, sage-femme et présidente de l’Association pour la promotion des sages-femmes et maïeuticiens d’État au Burkina Faso (APSAM-BF). Cette organisation professionnelle regroupe des milliers de sages-femmes et maïeuticiens à travers les 13 régions du pays. Elle a fait du bien-être de la femme son cheval de bataille et s’investit également dans la défense des intérêts de ses membres.

Blanche Zoungrana, Présidente de l’Association pour la promotion des sages-femmes et maïeuticiens du Burkina Faso

C’est dans les locaux de la Maison de la Femme à Ouagadougou, le 16 octobre 2024, en marge d’un atelier de formation, que nous échangeons avec Mme Zoungrana. Elle reconnaît d’emblée que les violences gynécologiques et obstétricales (VGO) sont une réalité préoccupante. « Ce sont des violences à bannir de nos formations sanitaires. Elles ne rendent pas honneur au corps médical et détruisent la confiance entre les usagers et les prestataires », nous dit-elle.

Pour expliquer la persistance de ces violences, Blanche Zoungrana pointe du doigt les conditions de travail difficiles dans lesquelles les sages-femmes exercent au Burkina Faso. Elle évoque des surcharges de travail, un matériel médico-technique insuffisant, et des pratiques d’accouchement peu adaptées. « Les VGO ne sont pas forcément dues au prestataire, mais à l’institution elle-même. Les formations sanitaires manquent cruellement de personnel, ce qui entraîne une surcharge pour les sages-femmes. Cette fatigue accrue peut engendrer des comportements inappropriés envers les patientes », affirme-t-elle.

A cela s’ajoute, selon elle, l’indisponibilité du matériel qui peut également alimenter les tensions. « Quand on dit à un patient qu’il n’y a pas de thermomètre, cela peut être perçu comme un refus de prise en charge. Ce sont des dysfonctionnements institutionnels qui rejaillissent souvent sur la relation entre patient et prestataire », a analysé la présidente.

VIDEO : Blanche Zoungrana plaide pour une indulgence réciproque ⤵️

Mme Zoungrana a de ce fait plaidé pour une indulgence réciproque. Pour elle, l’arbre ne doit pas cacher la forêt, car quoi que l’on puisse dire, malgré les critiques, les sages-femmes font un travail remarquable dans des conditions souvent extrêmes. « Oui, des sages-femmes sont incriminées, mais la majorité s’efforce d’offrir des services de qualité. Et ce qu’il faut savoir c’est que dans tout métier, il y a des brebis galeuses. Nous appelons donc à une compréhension mutuelle. Que les prestataires se mettent à la place des femmes, et que les patientes elles-aussi comprennent les réalités des sages-femmes. C’est ensemble que nous allons arriver à éradiquer cette pratique qui n’est pas du tout honorable », invite-t-elle. Du reste, elle a assuré que son association, l’APSAM-BF, consciente de l’enjeu, a entrepris, et continue de mener plusieurs actions de sensibilisation et de formation à l’endroit de ses membres, pour éradiquer les VGO.

Dans ce combat, l’association des sages-femmes n’est pas seule. D’autres organisations, à l’instar de l’Action communautaire pour le bien-être de l’enfant et de la femme au Burkina Faso (ABEFAB), se sont mobilisées. Fondée en 2017, l’ABEFAB conduit un projet intitulé « Justice et dignité contre les violences gynécologiques et obstétricales au Burkina Faso ». Son objectif ? Sensibiliser, alerter, et plaider pour une plus grande implication des acteurs dans la lutte contre ces violences.

Pour Mariam Traoré, Coordinatrice de ce projet, les VGO restent largement méconnues et minimisées. « C’est une forme de violence souvent tue, car elle touche à l’intimité même des femmes. Pourtant, elle a des répercussions graves sur leur santé physique et mentale. Et il faut qu’on en parle », souligne-t-elle.

Mariam Traoré, Coordinatrice de projet à l’ABEFAB

Et à en croire ses mots, c’est tout le sens du combat de l’ABEFAB qui, s’est donné pour objectif de mettre au goût du jour le phénomène afin que des solutions idoines y soient trouvées. Et grâce à son projet, 40 féministes issues de 12 quartiers de Ouagadougou ont été formées sur les droits des femmes en matière de santé sexuelle et reproductive. Des sages-femmes et maïeuticiens ont également été alertés sur les dangers de ces pratiques. « Grâce à ce projet, les femmes ont pris conscience de leurs droits lors des accouchements et elles le réclament. En tout cas, on a des retours en la matière. Des femmes nous ont appelé et continuent d’ailleurs à nous appeler pour nous dire qu’on a voulu leur faire ceci ou cela et qu’elles ont refusé. Elles ont pris conscience de cela et se battent pour que ce soit respecté », confie Mariam Traoré.

En dépit de ces acquis, le chemin reste toujours long selon elle. Les VGO laissent des séquelles durables. Certaines femmes, traumatisées par leurs expériences en maternité, préfèrent accoucher chez elles avec des accoucheuses traditionnelles, malgré les risques encourus. C’est l’autre combat de l’ABEFAB : rétablir la confiance entre les femmes victimes et les maternités. Dans ce sens, l’association organise, selon Mme Traoré, des ateliers conjoints pour permettre aux deux entités d’échanger sur la thématique des VGO. Et au prix de ces initiatives, un changement positif semble s’opérer. « Nous organisons des rencontres périodiques avec les membres de l’association des Sages-femmes pour des échanges avec les femmes de notre association. Cela pour discuter sur la question des VGO, afin qu’ensemble on voit comment on peut l’éradiquer. Au cours de ces échanges, les femmes disent leurs attentes des Sages-femmes et les Sages-femmes aussi disent les bons comportements à adopter pour les femmes qui fréquentent les maternités. Donc cela brise les barrières et permet un rapprochement entre les femmes et les sages-femmes », confie la Coordonnatrice.

La sensibilisation, une arme clé !

Les violences gynécologiques et obstétricales (VGO) préoccupent également le ministère de la Santé. À la tête de la Direction de la Santé de la Famille (DSF), Valérie Marcella Zombré/Sama pilote les efforts du département pour combattre ce phénomène. C’est dans son bureau, en fin d’après-midi du lundi 11 novembre 2024, qu’elle nous reçoit pour un entretien sur la question.

Valérie Marcella Zombré/Sama, Directrice de la Santé de la Famille (DSF)

Mme Zombré s’ouvre à nous en rappelant d’abord le rôle de la DSF, une branche essentielle du ministère de la Santé et de l’Hygiène publique qui a en charge la coordination et la mise en œuvre les politiques liées à la santé des enfants, des adolescents, des mères, des personnes âgées, bref… de la famille. L’équipe de la DSF est donc, selon sa première responsable, bien informée de l’existence des VGO au Burkina Faso et a affrété ses armes pour son éradication.

A en croire la directrice, la sensibilisation est le principal outil pour lutter contre les VGO. Et dans ce sens, son département a élaboré tout un programme axé sur le renforcement des capacités des acteurs et la sensibilisation. Chaque année, dit-elle, des sessions de renforcement des compétences sont organisées à l’endroit des acteurs du système sanitaire en vue de les sensibiliser au principe des soins centrés sur la personne. Ces formations d’après elle, incluent des modules variés allant de l’accueil des patients, les techniques de communication empathique, aux gestes professionnels à privilégier ou à proscrire.

Mais la sensibilisation ne s’arrête pas au personnel médical selon Mme Zombré. Les campagnes de la DSF incluent aussi les populations, notamment les femmes et leurs conjoints. Ces derniers sont aussi sensibilisés sur leurs droits et leurs devoirs dans les centres de santé. Elle en veut pour preuve l’École des maris, un programme qui rassemble chaque année des acteurs de santé, des épouses et leurs époux autour de thématiques clés notamment les droits des femmes, la santé reproductive, la maternité, la planification familiale, l’Hygiène, et plus encore. L’objectif étant d’impulser un changement de comportement, non seulement chez les professionnels de santé, mais aussi au sein des familles.

VIDÉO : Le message de la Directrice de la Santé de la Famille ⤵️

Le ministère de la santé est donc pleinement conscient de l’ampleur des Violences gynécologiques et obstétricales (VGO) au Burkina Faso et s’investit activement dans leur éradication, ou à défaut, dans leur réduction. La Directrice de la Santé de la Famille, a profité de l’occasion pour lancer un appel à une mobilisation collective pour mettre fin à ce phénomène. Elle a insisté sur la nécessité d’un engagement des deux parties concernées notamment les sages-femmes et les femmes. « Je tiens à rappeler aux parturientes qu’elles sont nos partenaires. De la même façon qu’elles attendent de notre part de la courtoisie, nous attendons également d’elles de la compréhension et de la courtoisie. Parce que même si c’est rare, il arrive que des agents de santé soient victimes de violences, qu’elles soient verbales ou physiques. Cela reste une forme de violence. Donc que chacun à son niveau y mette du sien », a-t-elle exhorté.

Aux sages-femmes, Mme Zombré les a appelées au respect de la déontologie de leur métier, chose cruciale de son avis, pour garantir un meilleur accès aux services de santé pour les populations. « Je les invite à respecter la déontologie de leur métier. À chaque fois qu’elles sont confrontées à une situation, elles doivent se rappeler les règles qui régissent notre profession et les appliquer avec rigueur. », a invité la première responsable du département en charge de la santé de la famille.

En dépit des efforts déployés, les cris des femmes victimes de violences gynécologiques et obstétricales continuent de résonner en silence dans les couloirs de certaines maternités au Burkina Faso. Ce sujet, vraisemblablement encore tabou pour une grande partie de la société, appelle à une réaction urgente. Il est temps de briser le silence : parler pour sensibiliser, agir pour protéger, et lutter pour mettre fin définitivement à ces violences qui bafouent la dignité de la femme.

ENCADRÉS :

Encadré 1 : Le métier de sage-femme au Burkina Faso

Au Burkina Faso, le maïeuticien ou la sage-femme peut être défini(e) comme un agent technique de santé recruté à partir du niveau de la classe de terminale de l’enseignement secondaire général ou technique (niveau BAC) ayant suivi avec succès un programme de formation de trois ans dans le domaine de la gynécologie et de l’obstétrique. Les compétences acquises au terme de cette formation lui permettent d’intervenir dans trois domaines principaux : la clinique (prise en charge des cas), la prévention et la promotion de la santé, ainsi que l’encadrement.

Le sujet de la sexualité, en particulier celle des femmes, étant un tabou dans nos sociétés, avec de nombreux préjugés, ce métier était traditionnellement exercé par la gente féminine (sages-femmes). Cependant, sous le régime du Président Thomas Sankara, une évolution a eu lieu avec l’arrivée des premiers maïeuticiens en 1985. Le régime a ainsi encouragé l’engagement des hommes afin de renforcer l’action des femmes et de couvrir un maximum de populations, notamment en milieu rural. À ce jour, leur proportion reste stable autour de 10 %, et la répartition des ressources humaines demeure déséquilibrée, au profit des centres urbains.

En 2017, l’Association pour la Promotion des Sages-Femmes et Maïeuticiens du Burkina Faso (APSAM/BF) a été créée. Elle regroupe à ce jour plus de 200 professionnels de santé qui œuvrent à offrir des soins de qualité et à promouvoir le bien-être des populations. L’action de l’association s’inscrit dans les réponses nationales et prend également en compte les nouvelles orientations sur la santé sexuelle et reproductive des adolescents et des jeunes, en vue de l’atteinte des Objectifs de Développement Durable (ODD).

Encadré 2 : Les Droits des parturientes en salle de naissance

Les droits des parturientes sont définis par la Charte du Ruban blanc. Il s’agit d’un engagement visant à lutter contre les violences gynécologiques et obstétricales (VGO) et à promouvoir le respect des droits des femmes lors de l’accouchement et pendant la période périnatale. Elle a été lancée par le mouvement Ruban Blanc, une initiative internationale qui lutte contre toutes formes de violences faites aux femmes, en particulier celles qui se produisent dans les établissements de santé.

Le tableau suivant présente les sept droits définis par cette Charte pour les femmes qui accouchent⤵️

Source: ENSP

Oumarou KONATE

Minute.bf

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