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jeudi 28 mars 2024

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Ramata Diallo : Une déplacée qui sacrifie son BEPC pour le BAC de son frère

Résilience, c’est ce à quoi les Burkinabè sont appelés depuis le début de la crise sécuritaire avec son corollaire de plusieurs centaines de morts, de plus de 1,4 millions de personnes déplacées internes (PDI) selon le Conseil national de Secours d’Urgence et de Réhabilitation (CONASUR), de 2 244 établissements scolaires fermés. Cette crise qui sévit toujours au Burkina Faso a affecté plus de 304 564 élèves dont 148 046 filles selon les derniers chiffres du Ministère de l’Education nationale, de l’Alphabétisation et de la Promotion des Langues nationales (MENAPLN). Parmi ces filles, Ramata Diallo, actuellement déplacée interne à Kongoussi, une bourgade située à une centaine de kilomètres de la capitale burkinabè.

Ramata Diallo, 18 ans, est une élève déplacée interne vivant à Kongoussi depuis 3 ans. Elle a fui les attaques terroristes avec ses parents alors qu’elle devait passer le BEPC. Une situation qui l’a contrainte à abandonner ses études. A l’orée de cette rentrée scolaire 2021-2022, c’est une élève déterminée à reprendre ses études que www.minute.bf a rencontrée à Kongoussi.

Il est un peu plus de 13h30 mn ce 20 août 2021. Nous sommes à Boulenga, un quartier périphérique de Kongoussi, province du Bam. Le chauds rayons solaires dardaient déjà cette zone d’habitation spontanée située à l’Ouest de la ville qui accueille au moins 30 000 déplacés internes. C’est dans ce quartier que nous accueille Ramata Diallo, alors qu’elle s’attelait inlassablement à éponger les travaux ménagers qu’elle partage quotidiennement avec sa mère. Le visage crispé, avec un regard discret, Ramata avait fait une coiffure trapue. C’était une natte. Elle arborait de façon ostentatoire un collier blanc au cou. Vêtue d’un T-shirt jaune avec des rayures blanches sur la face, le pagne bien noué à sa taille, Ramata, après nous avoir installé dans un coin de cette cour où sa famille a trouvé refuge depuis quelques années, nous offre l’eau de bienvenue. Sa mère, elle était déjà à la cuisine et s’attelait à faire le déjeuner du jour. Ramata, elle, met une pause sur ses multiples travaux ménagers afin de nous recevoir. Nos échanges avec cette jeune fille qui vient d’atteindre la majorité, ont été axés sur sa condition d’étude, la rentrée scolaire avançant à grand pas.

La rentrée des classes au compte de l’année 2021-2022, c’est dans quelques jours. Au mois de septembre, on a coutume de dire que « c’est la période où les parents marchent en parlant seuls ». Ce, à cause des inquiétudes liées aux dépenses qui s’annoncent avec la rentrée scolaire. Ces inquiétudes sont certainement plus pressantes quand on se retrouve en situation de PDI.

C’est un peu le cas de la famille Diallo qui, pour se préserver des attaques terroristes, s’est échappée de Kaokana-peulh, un village de la commune de Zimtanga, pour trouver refuge à Kongoussi, capitale de la province du Bam, « depuis maintenant trois ans ». A Kongoussi, la famille Diallo comme les nombreuses autres familles dans la même situation ont trouvé gîte et couvert sous leur statut de déplacés. Tout de même, des difficultés subsistent. Elles vont de l’alimentaire au vestimentaire en passant par la santé, l’éducation…

Lire aussi: Kongoussi : Les élèves déplacés désormais en classe

Elle suspend son BEPC pour financer le BAC de son frère

Ramata Diallo est de ces personnes dont les études ont été freinées par cette situation d’insécurité. La native de Kaokana-peulh nous retrace avec toujours de la peine les conditions dans lesquelles ses parents et elle sont arrivés à Kongoussi. « Nous avons fui notre village à cause de l’insécurité. J’étais élève au Collège d’Enseignement général (CEG) de Kargo. Je faisais la 4e et je devais passer en 3e quand les évènements ont surgi », a révélé Mlle Diallo. Elle précise que ladite attaque a entrainé la mort d’un membre du bureau de l’Association des Parents d’Elèves (APE), celui-là même qui était chargé de remettre les bulletins des élèves. Ainsi, une fois à Kongoussi, la famille Diallo devrait s’adapter à la nouvelle vie de déplacé interne qui lui est imposée, avant de penser aux études, surtout que « les moyens font défaut ».

En effet, notre interlocutrice, face au périple susmentionné, s’est vue dans l’obligation d’arrêter ses études, ses parents n’étant plus en mesure de supporter ses frais de scolarité avec ceux de son frère. « Mon frère ainé devrait faire le BAC et moi le BEPC. Les parents n’avaient pas les moyens pour payer nos frais de scolarités à tous les deux. Ils m’ont donc demandé de faire une pause pour qu’ils puissent payer la scolarité de mon frère, le temps de voir quelle solution ils trouveront pour moi », a-t-elle expliqué dans le détail. Une proposition que l’élève dit avoir accepté car n’ayant pas le choix.

Mieux, elle va même contribuer à financer les études de son frère ainé grâce aux petites activités qu’elle entreprend par moment. C’est donc tout naturellement, que, d’un air heureux mêlé de fierté, Ramata Diallo, esquissant un leger sourire, s’est félicitée en ces termes : « Dieu merci, il a eu le BAC et il est à l’université de Bobo actuellement ». C’est dire que face à l’adversité, Mlle Diallo et sa famille savent se montrer résilientes dans la mesure de leurs capacités.

En réalité, évoquant particulièrement son cas, la « battante » Diallo dit travailler « dans une unité de production d’eau potable en sachets » pour soutenir sa famille. « Avec les 15 000 F CFA qu’on me paye par mois, je contribue à ma manière aux dépenses de ma famille », a-t-elle soutenu. Pour ce faire, Ramata Diallo dit travailler matin ou soir, soit alternativement « de 7h à 12h ou de 12h à 17h » chaque semaine. Mais entre ces créneaux vides, elle indique faire tout ce qui lui tombe sous la main.

Lire aussi: Education : Obligation d’inscrire les élèves déplacés dans les établissements scolaires

Le SOS de Ramata Diallo pour regagner les bancs

Après toutes ces explications, nous interrogeons Mlle Diallo à propos des communiqués du Ministère en charge de l’éducation autorisant les établissements publics à prendre en compte les élèves déplacés quand il n’y a pas d’école de fortune pour eux. Et à cette dernière de répondre : « j’ai appris le communiqué invitant les élèves déplacés à rejoindre les lycées communal et provincial pour suivre les cours. Mais il était déjà tard, raison pour laquelle je ne suis plus allée ». Elle précise avec regret que c’est « à la fin du deuxième trimestre » qu’elle a eu vent du communiqué.

Ramata Diallo demande du soutien pour la reprise de ses études

Cette déplacée interne n’a manqué de renouveler sa volonté à poursuivre les études pour engranger beaucoup de diplômes en vue d’obtenir un travail qui lui permettra de mettre toute sa famille à l’abri du besoin. Elle affiche clairement dans ses propos qu’elle n’a jamais eu l’intention de stopper ses études. « J’ai un pincement au cœur quand je vois des jeunes de mon âge aller à l’école mais pas moi », se lamente-t-elle. Sur sa volonté de reprendre ses études, Ramata Diallo est plus que jamais déterminée. « J’ai bien la volonté de renouer avec les études », a-t-elle martelé, notant que cela « est très important » pour elle.

Mais, consciente de la situation de sa famille, elle reconnait qu’il « est difficile avec le manque de moyens ». Pour cette raison, elle lance un SOS aux bonnes volontés, aux organismes de défense du droit à l’éducation, aux organisations de défense des droits de la fille, pour sauver ses études. « Avec un peu de soutien, si j’ai de la chance, je veux reprendre mes études », a-t-elle souhaité avant de lancer un dernier appel : « je veux aller à l’école mais nous avons aussi besoin de sécurité et de nourriture ».

Lire aussi: Kongoussi: Ramata Diallo réintègre l’école grâce à l’article de minute.bf

Franck Michaël KOLA
Minute.bf

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